In memoriam Louis Yvert

e voulais consacrer un nouveau billet à l’imprévisible dictateur russe que la Cour pénale internationale vient enfin d’épingler. Justice est malheureusement encore loin d’être faite puisque le lugubre Poutine ne reconnaît pas l’autorité de cette institution à laquelle il manque le bras armé qui pourrait agir en conséquence. Néanmoins, l’autocrate restera en arrière-plan car son ombre est omniprésente par les effets induits de sa sale guerre sur l’économie mondiale et le moral de nombreuses personnes qui ne peuvent faire comme « si de rien n’était ». En outre, les médias ont presque déjà tout dit à son sujet.

Je me devais de rendre hommage à un ami très cher qui vient de nous quitter: Louis Yvert, bibliothécaire au parcours professionnel peu ordinaire – c’est le moins que l’on puisse dire. La nécrologie de ce conservateur (au sens professionnel du terme) pas comme les autres sera malheureusement la treizième d’un blog qui évoque aussi bien la disparition de parents, d’amis ou de connaissances. Louis s’est éteint à 94 ans, en ce mois de mars ensoleillé, quand la nature sort de son engourdissement et retrouve des couleurs. Il y a quelques années, Louis m’avait annoncé – avec malice et une certaine satisfaction – que la durée de sa retraite avait été plus longue que sa période d’activité… On le voit, mon propos restera anecdotique, comme à l’accoutumée. J’ai déjà évoqué Louis et Michel Leiris, sur l’œuvre et la correspondance duquel il a travaillé pendant de nombreuses années, depuis son passage à la bibliothèque du Musée de l’Homme où j’ai moi-même été affecté après avoir quitté la BN. Aujourd’hui, j’aimerais rapporter en quelles circonstances nos chemins professionnels respectifs se sont croisés. Je le connaissais depuis plus d’un demi-siècle, au temps où ce fameux parcours – On peut le découvrir ici – n’était pas loin de ses débuts, précédant le mien d’une dizaine d’années.

La vie étant aussi faite de moments de convivialité vécus aussi bien dans le contexte du travail que celui de l’activité syndicale et des loisirs, j’évoquerai donc quelques-uns de ces moments marquants. Un des premiers souvenirs que je garde de lui remonte au milieu des années soixante, à la Bibliothèque nationale, lorsque, après avoir terminé son travail quotidien au service des échanges internationaux – où il était alors en poste – il venait au département des imprimés faire des recherches personnelles dans les magasins. Ces magasins, il les connaissait très bien pour y avait travaillé, son chef de service étant Jean Pierre Seguin , qui fut le mien quelques années plus tard ; autre point commun avec Louis). Nous nous étions croisés auparavant, dans des réunions syndicales et avions sympathisé ; ainsi, lorsqu’il passait devant l’hémicycle et le bureau de renseignements de la salle Labrouste – où j’assurais ma permanence de service public – il lui arrivait de s’arrêter et de s’asseoir à côté de moi quelques instants, pour bavarder. Je ne connaissais rien alors de sa vie privée mais j’ai découvert ainsi qu’il était le petit-fils de Louis Yvert éditeur – avec Tellier – des catalogues de timbres bien connus, quand Albert Labarre1 – à qui je le présentai – lui demanda s’il existait un lien de parenté entre lui et celui  que je pensais n’être qu’un homonyme…J’ai su alors qu’il était lui aussi originaire d’Amiens, ville dont j’ai appris encore grâce à lui, ce qu’étaient ses hortillonnages. C’est encore à lui que je dois d’avoir découvert Ramatuelle et l’île de Ré. Plus tard, nous nous somme retrouvés à plusieurs reprises, en famille sur l’île, lors de vacances; je garde un souvenir inoubliable de nos sorties épiques en mer.

Les manifestations contre la réforme des retraites, et surtout celles contre les « bassines »,  actions durement réprimées par les forces de l’ordre,   m’ont rappelé celles auxquelles nous avons participé ensemble mais elles n’avaient pas la même violence; elles se faisaient main dans la main, comme dans une grande chaîne de solidarité. Il s’agissait alors des manifestations contre la guerre du Vietnam; je les ai évoquées dernièrement et j’y reviens car, il y a quelques jours, j’ai eu connaissance d’informations complémentaires sur ces activités militantes. Une ancienne collègue du Musée de l’homme à qui j’ai annoncé la disparition de Louis – ce qui l’a beaucoup affectée car elle le connaissait bien, voyant en lui un témoin incontournable d’une époque chargée d’histoire; elle m’a révélé que dans le cadre de la campagne Des livres pour le Vietnam, Louis, elle-même et une troisième collègue se retrouvaient le soir dans le grand appartement de cette dernière pour dresser des listes de livres, ranger ces derniers dans des cartons, préparant ainsi les expéditions pour le Vietnam…J’ignorais ces faits jusqu’à présent et je regrette d’être passé à côté d’une partie de ces actions humanitaires…

  1. 1927-2010; a été conservateur en chef à la BN (rue de Richelieu). Il est représenté au bureau de renseignements de la salle Labrouste au centre d’un dessin personnel représentant la partie de cette salle appelée l’hémicycle. ↩︎

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